La mort subite du nourrisson ! Mon joli bébé de 4 mois était mort un peu plus d’un an avant, emportant avec lui la magie de mon labo. Il y en avait encore dans les autres pièces…mais plus dans ce labo. Je regardais des photos de ces derniers gâteaux que j’avais réalisé. En me disant que j’étais heureuse d’avoir pu réaliser les souhaits si précis de ma cliente et néanmoins amie. J’étais si fière du chemin que nous avions parcouru depuis qu’un an avant elle m’avait dit de quoi elle avait envie. J’étais ravie de m’arrêter sur ce joli mélange, de pistache, de rose, de citron et de cardamome parsemé de paillettes.
IL N’Y AVAIT PLUS DE MAGIE, ELLE ÉTAIT MORTE
J’étais seule dans mon labo…il était déjà une heure avancée de la nuit. De l’autre côté des murs, au loin, j’avais l’impression d’entendre mon chêne majestueux et mes 3 cafrines douces dormir comme une seule personne. J’entendais encore plus loin un de mes chiens qui faisait du bruit comme pour me dire «c’est bon, tu peux aller te coucher ». Mais je n’y arrivais pas ! je rangeais, je nettoyais, je réorganisais.
Et j’ai senti cette présence, je n’étais pas seule ? Est-ce que je l’avais jamais été ? J’ai tourné sur moi-même, inspectant chaque recoin à sa recherche. Et comprenant que je ne la trouverais pas je me suis décidée à l’appeler.
Seigneur, pourvu que personne ne vienne à l’improviste dans mon labo. Je passerais pour une folle ! En même temps, qui pourrait bien passer à cette heure ? Même ma fidèle Shagee, ma collaboratrice de toujours devait être roulée en boule sous sa couette.
– « Velours, c’est toi ? Tu es là ? »
Et là, dans un battement d’ailes, elle est apparue devant moi. Elle était là, toute petite, minuscule fée avec des ailes de velours gris foncé. Il y avait des mois que je ne l’avais pas vu, des mois, qu’elle n’était pas apparue…
MAIS ? ÇA MEURT LA MAGIE ?
-« Oui, je suis là et je suppose que tu sais pourquoi ? »
– « Pfff, non, je n’en ai pas la moindre idée »
– « Manuela, j’ai un message pour toi »
– « Non, Velours, STOP ! Je ne veux pas entendre ton message, ce gâteau est mon dernier après lui, je tournerai la page »
Elle éclata de rire et dit
– « Ça n’a pas l’air si évident que ça ! Si ta décision était prise, tu ne serais pas là à cette heure tardive à chercher de bonnes raisons de ne pas aller te coucher. »
J’avais oublié à quel point cette petite créature était énervante. On m’avait menti pendant toute mon enfance en me faisant croire que les fées étaient d’adorables petits êtres…elle, c’était vraiment la pire des relous !
– « Au fait, je t’ai dit que j’avais un message pour toi, je ne t’ai pas demandé si tu voulais l’entendre. Je te le délivrerai que tu le veuilles ou non…»
EN FAIT, MÊME SI ELLE MEURT, ELLE REVIENT DE L’AU DELÀ
Subitement velours se mit à battre frénétiquement des ailes, c’était étrange, ses ailes battaient mais elle ne s’envolait pas !!!! Il y avait du vent qui venait de ses ailes, le vent soufflait, il était chaud, je dirais un peu plus de 37°, et puis il y avait cette odeur, ce n’était pas celle du labo, je venais de tout nettoyer. Non, c’était cette odeur caractéristique qu’il y a au creux du cou des bébés. Elle battait toujours les ailes, mais Le vent s’était calmé et j’entendis une petite voix. Une toute petite voix, douuuuce, je ne la connaissait pas, mais elle m’était familère.
Elle battait des ailes et le vent que soufflait ses ailes amenait une voix
– « Maman, qu’est-ce que tu fais ? Tu vas tout arrêter ? Tu ne feras plus de gâteaux ? Tu vas renoncer définitivement à donner de l’amour sucré ? »
J’étais tombée sur mon tabouret, c’était la voix de mon garçon. Velours, était revenue de l’au-delà pour m’apporter la voix de mon bonbon piment, mon bébé joufflu, ma merveille. Pfff qu’étais-je sensée faire ? Est-ce qu’on répond au vent ??? Et au moment où j’allais continuer mon monologue, la voix recommença.
-« Maman sucrée, maman soleil, si tu fais ça, tu effaceras tous les bons moment que nous avons vécu collés l’un contre l’autre dans le labo. Je disparaitrai peu à peu de ta mémoire, puis de ton cœur. Laisse-moi rester avec toi, laisse-moi te regarder travailler de là-bas et me rappeler comme il était doux d’être blotti contre ton sein lorsque tu pétrissais la pâte à sucre. Maman, laisse-moi être celui qui veille sur toi la nuit quand tu travailles »
ELLE NE MEURT PAS…ANESTHÉSIÉE PAR LA DOULEUR, ELLE S’ENDORT
Elle cessa de battre les ailes, elle me regardait derrière ses longs cils. Je lui souris et lui dis je peux te remettre quelque chose ? Sans attendre sa réponse, je me dirigeai vers le congélateur pour y prendre une des minuscules fioles dans lesquelles je gardais encore le lait maternel que j’avais tiré pour lui. J’ouvris ensuite le pot de sucre glace pour y prendre un peu de poussière de sucre avant de l’ajouter à la fiole.
Elle me regarda, s’accroupit et déploya lentement les ailes de part et d’autre de son corps. Je pris alors une seringue pour prélever le lait sucré et déposer 2 minuscules gouttes sur ses ailes de velours. Puis, dans un éclair de lucidité je me rendis compte qu’il manquait quelque chose. Bien sûr ! c’était évident. Je trempai mon pinceau dans le petit pot et quand je le tapotai au-dessus de ses ailes une pluie de paillettes dorées vint caresser les gouttes de lait. Là, c’était parfait !
-« Tu lui répéteras exactement ces mots : ti doudou lanmou, ti chat toujou, ti Shasoo, en inméw»
– « bébé ? »
C’était la voix de mon chêne…qu’est-ce qu’il faisait dans le labo à cette heure ?
-« Oui doudou, je suis au fond »
-« Je me suis réveillé, j’ai vu que tu n’étais pas dans le lit et que ta place était froide, alors je suis venu t’aider à tout fermer puisque tu arrêtes. »
A ce moment, je me suis blottie contre lui, espérant qu’il sentirait la chaleur résiduelle de notre garçon en me prenant dans ces bras. De longues minutes s’écoulèrent comme s’il se remplissait de quelque chose. Et quand on se dégagea il dit :
– « Tu continues, c’est ça ?…Je t’aime ma femme.»
Il était 4h du matin, l’heure de me réveiller…ah zut ! Je n’avais pas dormi…ou peut-être que oui, peut-être n’avais-je que rêvé…
Comment surmontez vous les épreuves ? Qu’est-ce qui vous aide à repartir ?