On fait des études, parfois brillantes et il arrive qu’on laisse des esprit chagrins nous convaincre qu’il faut se diriger vers une voie qui a des “débouchés”. Sous prétexte qu’il faut être réaliste. Je suis certaine que vous avez dans votre entourage, des gens qui gagnent très bien leur vie mais ne s’éclatent pas ! Des gens qui vous disent qu’ils détestent leur job, mais cont incapables de vous dire ce qu’ils aimeraient faire …Peut-être, même, êtes vous de ceux là. Et on fait quoi ? Sommes nous honnêtes vis à vis de nous mêmes quand nous ne prenons pas la peine de chercher notre talent, notre voie. Je ne parle pas forcément d’être styliste, chanteur ou auteur, il peut s’agir d’être expert comptable ou médecin légiste…l’important c’est de trouver sa voie non ???
L’AGRÉSSION
– « Madame ? Vous êtes madame LUREL FERMELY ? Vous êtes Le Petit Sucre ? »
On était le 11 novembre, jour férié en France, il était 17h, j’étais sur le parking d’une salle de réception, je venais de finir la mise en place du gâteau que j’avais livré…j’espérais pourvoir rentrer…
– « Bonjour Madame, oui c’est moi. Je peux vous aider ? »
– « Non ! J’ai essayé de vous contacter par mail, par téléphone, je suis même venue à l’école de commerce où vous donnez des cours pour vous voir. Mais vous êtes injoignable. »
C’était une impression ou elle était agressive ? Pffff j’étais crevée, je n’étais pas sûre d’avoir suffisamment d’énergie pour me disputer avec qui que ce soit…mais j’ai décidé de faire confiance à mon adrénaline.
– « Madame, là, je suis devant vous, qu’est-ce que je peux faire pour vous ? »
(Mon Dieu ! Comment, elle m’avait trouvée ? Elle me suivait ? Au secours, c’était certainement une psychopathe ! J’allais finir découpée en rondelle sur un parking désert en plein Saint-Denis … Bonjour la mort glauque !!!!)
– « Vous êtes une menteuse, vous vendez du rêve aux gens et vous jouez avec l’avenir de ceux qui vous croient. C’est pas parce que votre vie est facile que la vie de tout le monde est simple. Vous êtes une irresponsable »
Bon, une chose était sûre, c’est que je ne m’étais pas trompée. Elle était bien agressive, et là, elle était carrément furieuse.
Mon chêne majestueux, m’attendait « patiemment » dans la voiture…eh oui, chaque fois qu’un gâteau est très lourd je l’exploite honteusement et lui demande de m’accompagner pour le porter. Je le connais si bien, qu’au moment où je le regardais du coin de l’œil pour m’assurer qu’il n’interviendrait surtout pas, il était déjà en train d’ouvrir la portière pour venir à mon secours. J’eu juste le temps de lui dire
– « Doudou, tout va bien. Donne moi un peu de temps, je discute avec madame et j’arrive »
– « Ok, mais faut speeder, faut que je retourne bosser après t’avoir ramenée à la maison »
LA PEUR, SI LÉGITIME, D’UNE MÈRE
L’inconnue assistait à la conversation et n’avait pas l’air d’en avoir fini avec moi.
– « Madame, je suis ok pour me disputer avec vous. La guerre, je sais faire ! Mais j’ai besoin de savoir de quoi on parle. J’y comprends rien, à votre histoire. Je vous connais ? Qu’est-ce que je vous ai fait ? »
Je la regardais, elle me « scannait » du regard. Sentant que ça risquait d’être long, je m’appuyai sur le capot de la voiture et lui fit signe de se mettre à côté de moi. Ce n’était pas un salon, mais ce serait plus confortable que de rester là plantées au milieu d’un parking. Et elle se mit à m’expliquer. Sa fille était l’une de mes étudiantes en master 2. Elle était venue me voir en me demandant mon avis sur son sujet de mémoire. Et je lui avais dit qu’elle se trompait de voie, qu’elle n’était pas faite pour le métier auquel elle se destinait.
– « Hein ? Moi ? Vous êtes certaine qu’elle vous a dit que c’est moi qui lui ai dit ça ? Ça ne me ressemble pas beaucoup de dire un truc aussi catégorique et comme je ne bois jamais, je ne peux pas vous dire que je l’aurais dit sous l’effet de l’alcool ! D’ailleurs, c’est qui votre fille ? »
– « Elle s’appelle… » répondit elle
Aaaaah. Ça y était, je me rappelais parfaitement la conversation que j’avais eue avec sa fille. C’était une étudiante brillante, son sujet était intéressant, elle avait des choses à dire et surtout un angle d’analyse qui sortait des sentiers battus. Etonnée par le peu d’enthousiasme avec lequel elle me présentait cette belle ébauche, je lui avais demandé pourquoi elle n’était pas satisfaite.
– « C’est pas le sujet Madame, c’est le master…je vais l’avoir »
Devant son désarroi, j’avais réprimé un éclat de rire. Tiens ! Ce n’était pas commun ça ! quelqu’un qui était désolé à l’idée d’avoir un bac + 5. Je me rappelais, qu’à mon heure, j’avais attendu avec impatience cette échéance ! En réalité, ce qui l’ennuyait c’était qu’elle avait choisi cette voie sur les recommandations de ses parents. Elle réussissait brillamment et qu’elle avait un boulot qui l’attendait déjà dans l’entreprise familiale à l’issue de ses études…Elle avait beau être douée, ça ne l’intéressait pas. Elle était en alternance depuis 2 ans déjà dans cette entreprise, y avait apporté des changements substantiels. Mais ça ne l’intéressait pas !!!
J’expliquais donc tout ceci à sa maman. La pauvre, elle hallucinait. Il était évident que sa fille avait oublié quelques détails. Je lui relatai donc la suite de notre conversation ( Mon Dieu, jusqu’à quel point est-on tenu au secret professionnel, lorsqu’on fait de la formation ?)
– « Tu me dis que tu as choisi cette voie-là sur les conseils de tes parents…mais tu leur as dit que tu ne voulais pas ? Tu leur as dit ce que tu avais envie de faire ? Tu leur a dit ce que tu aimais ? »
– « Non … » elle me répondait avec un air piteux…
– « Pourquoi ? »
– « Ben parce que je ne sais pas madame »
– « He ben, bravo ! Donc tu ne sais pas ce que tu veux faire et tu voudrais que tes parents te regardent écouter pousser les truffes ???? C’est une blague ma fille ! Ils ont eu raison, en attendant que tu trouves ta vocation, ils essaient de faire en sorte que tu puisses au moins payer tes factures ! »
Elle était là, silencieuse, pensive et de toute évidence, très embêtée …
– « Il faut que tu cherches ce qui te fait vibrer, ce que tu as envie de faire tous les jours de ta vie. Tu leur reproches de t’avoir poussée, mais ils ont fait leur part du job ! Aujourd’hui c’est toi qui ne fais pas la tienne … C’est à toi de chercher et de trouver. Et ce sera toujours plus facile de te faufiler jusqu’à ton rêve avec le ventre plein qu’en criant famine ! »
Et voilà sur quoi j’ai laissé votre fille madame, elle m’a dit qu’elle vous en parlerait, mais il y a manifestement eu une distorsion du message entre vous et moi.
LA RÉALITÉ EST SOUVENT SI DIFFÉRENTE DE CE QUE L’ON S’ÉTAIT IMAGINÉ
– « Ma fille m’a dit que vous leur aviez dit, que vous ne faisiez que ce que vous aimiez, que vous cumuliez 3 activités et que vous… »
Soit par pudeur, soit parce qu’elle se disait que ce qu’elle était sur le point de dire ne se disait pas, soit parce que finalement elle n’en était pas convaincue, elle ne termina pas sa phrase.
– « Hmm, parlons-en. Oui, je ne fais que ce que j’aime, et j’adore ce que je fais, mais quel prix je paie ce choix ? Ce que je dis à ceux que je vois, en cours, en formation en mission de conseil, et à ceux qui me demandent mon avis : c’est qu’on peut faire ce qu’on veut à condition d’accepter d’en payer le prix. Vous avez-fait quoi aujourd’hui ? »
Elle me regardait sceptique pas certaine de voir où je voulais en venir. Elle s’était calmée, elle avait l’air ennuyée, mais plus fâchée. Et…mon chêne majestueux m’attendait toujours dans la voiture…pffff, il fallait que je me presse. Mais je devais aller au bout de cette discussion.
– « On a tous passé la journée chez mes parents, y’avait mes sœurs, mes neveux, toute la famille » me dit-elle avec un petit sourire de contentement, résidu du joli moment de partage qu’elle avait passé !
Je lui souris, j’espérais qu’elle voyait dans mon regard que je ne leur voulais aucun mal, que je n’avais pas essayé de la mettre en difficulté. Et je lui répondis
– « Cette nuit, j’ai recouvert le gâteau que je viens de livrer. J’ai quitté Saint-André, mes enfants, ma maison à 7h pour être à Saint-Paul à 8h. Mon associée et moi devions préparer le défilé que nous présenterons au début du mois prochain. A 13h, j’ai repris la route pour aller au labo faire les finitions de mon gâteau. A 15h, j’ai quitté le labo pour venir livrer ici.
DES CLIENTS QUI VOUS RAPPELLENT POURQUOI…
Et quand je suis arrivée, le temps s’est arrêté. Comme chaque fois, comme pour chaque mariage. Cette famille charmante m’attendait. Il y avait les deux charmantes sœurs de la future mariée (je réalise maintenant, que je suis sûre que l’une des deux était sa sœur, mais la deuxième ?). Elles s’affairaient, mais se sont arrêtées à ma vue. Elles regardaient chaque tout petit détail du wedding cake de la « bride ». Elles avaient raison, en l’absence de la concernée, elles étaient ses yeux : les garantes de la réalisation de son rêve. Nous avions déjà eu tant de mal toutes les deux à nous accorder. Sa commande avait failli être annulée à cause d’un malentendu…Mais plus elles scrutaient les détails et plus mon estomac se nouait, j’avais beau me dire que c’était normal, je ne pouvais pas contrôler cet estomac !
Il y avait aussi sa maman, juste un tantinet stressée, comme les « yeux », je l’avais rencontrée avant le jour J…mais personne n’est comme d’habitude le jour du mariage de sa fille. Elle tournait autour du gâteau, le contemplant, mais je sentais bien qu’il y avait quelque chose. Plutôt que de partir sur un doute je lui dis
– « Dites-moi ce qui ne va pas, je sens que quelque chose vous chagrine »
– « Il se fond trop dans la nappe »
Elle avait raison, la couleur de la nappe était si parfaitement raccord, que son gâteau perdait de sa superbe ! Alors je lui dis, tout en sachant que je n’avais pas le matériel pour le faire…
– « Vous voulez qu’on le surélève ? »
– « Mais-oui ! C’est ce qu’il faut faire », elle avait l’air rassérénée…
Alors que j’étais en train de chercher comment faire, je l’entendis demander à un oncle d’aller lui récupérer des caisses en bois …quelque part. Lorsque les caisses arrivèrent et qu’on suréleva le gâteau, je me dis qu’elle avait eu raison de faire la moue, et que j’avais eu raison de lui demander de me dire ce qu’il se passait….
Que cette adorable mariée, si décidée, qui avait été la première à me demander du rose gold à l’époque, méritait bien toute cette attention, tous ces soins de sa famille et des prestataires contribuant à la magie de la fête.
PARCE QUE JE VEUX QU’ELLE SOIT CANON, J’ACCEPTE QU’ELLE NE SOIT PAS FACILE
Voila ce que j’ai fait aujourd’hui madame. Il est 17h30, au lieu de rentrer chez moi, je discute avec vous sur un parking pendant que mes enfants sont avec leur nounou. Et puis juste pour rappel, comme aujourd’hui c’est férié…je la paierai double. Alors, je ne sais pas qui de votre fille ou vous a conclu que mon message c’était que ma vie était facile, mais celle qui l’a fait a tort ou en tout cas a mal compris.
Non, mon message, et je le crierai jusqu’à la mort, c’est :
Ma vie est canon, mais elle n’est pas facile, et c’est parce que je veux qu’elle soit canon, que j’accepte qu’elle ne soit si pas facile….
Est-ce vous avez cherché votre voie ? Est-ce que vous avez osé l’emprunter ? Est-ce que par prudence vous avez renoncé ? Quels sacrifices consentez-vous à vos choix ?